Cécile Révauger, professeur à l’UFR d’anglais à Bordeaux 3, explique l’entrée de la recherche sur la franc-maçonnerie.
« Sud Ouest ». Vous venez d’animer une soirée au cours de laquelle quatre doctorants de Bordeaux 3 ont évoqué leurs recherches sur le thème « Regards de jeunes chercheurs sur la franc-maçonnerie ». Pourquoi l’Imaq (Institut maçonnique d’Aquitaine) a-t-il souhaité l’organiser ?
Cécile Révauger. Les quatre chercheurs, Marie-Anne Mersch, Amanda Brown, Simon Deschamps et Brenda Venkaya Reichert sont des anglicistes qui préparent leur thèse avec moi. Les sujets qu’ils ont choisis refusent le vase clos et sont examinés dans un contexte où ils ont un lien avec la société : « La franc-maçonnerie féminine à l’époque des Lumières », « La franc-maçonnerie et la notion de secret dans l’Angleterre du XXe siècle », « Fait maçonnique et pouvoir colonial dans l’Inde britannique », « La franc-maçonnerie à l’île Maurice au XIXe siècle à la croisée des cultures coloniales française et britannique ».
Les doctorants s’attachent à replacer l’histoire des francs-maçons, des loges et des obédiences dans leur contexte culturel, historique et géopolitique.
La franc-maçonnerie est-elle devenue un objet de recherche universitaire ?
Depuis quelques décennies seulement. Pendant longtemps, elle n’a intéressé que les amateurs d’histoire locale, les recherches étant effectuées par des maçons eux-mêmes et donnant lieu non à des thèses universitaires mais à des travaux de maçonnologie. Désormais, les obédiences donnent accès à leurs archives. À Londres, le musée et la bibliothèque de la Grande Loge sont accessibles aux chercheurs. Il existe des bibliothèques américaines spécialisées dont les sources sont digitalisées, des catalogues en ligne. Sont également accessibles les minutes des loges, les pétitions, des demandes de création, des lettres avec motivations et une presse spécifiquement maçonnique.
À quoi sert l’Institut maçonnique d’Aquitaine ?
Ouvert en 2010, il présente au public, qu’il soit maçon ou profane, toute la diversité de la franc-maçonnerie dans sa seule dimension culturelle, des expressions artistiques en musique, littérature, architecture, notamment à Bordeaux avec l’œuvre de Victor Louis.
L’histoire maçonnique de Bordeaux est d’ailleurs un cas privilégié. Elle débute au XVIIIe siècle lors de la création en 1732 par trois marins britanniques de la première loge, dite l’Anglaise, qui existe toujours. La ville accueille aussi la plus ancienne loge du Grand Orient de France. Elle a vu passer des francs-maçons célèbres, dont Montesquieu, Martinez de Pasqualis, Étienne Morin, qui est à l’origine du rite écossais, le rite le plus utilisé actuellement, Étienne Polverel, à l’origine de l’affranchissement des esclaves en 1793 à Saint-Domingue, mais aussi l’armateur Élisée Nairac, qui a fait fortune dans la traite négrière, le sénateur-maire Émile Fourcand.
L’Imaq organise une biennale. La première a eu lieu en mai 2012. La prochaine est prévue les 17 et 18 mai 2014. L’ambition est de permettre à des personnes, qu’elles appartiennent ou non à la franc-maçonnerie, de se cultiver en revenant à une lecture plus scientifique de la franc-maçonnerie. Au départ, il y a un travail interobédientiel entre le Grand Orient et les obédiences libérales (1).
(1) Droit humain, GLFF, GLMU, GLMF, loge nationale française de Memphis-Misraïm, grand loge Opéra. www.imaq.f
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